ENQUETEPourquoi les attaques visant des enfants nous bouleversent tant

Attaque au couteau à Annecy : Pourquoi les attaques visant des enfants nous bouleversent-elles tant ?

ENQUETE« 20 Minutes » tente de comprendre la vague d’émotion qui submerge le pays au lendemain de l’attaque au couteau à Annecy
L'attaque s'est produite jeudi matin sur les rives du lac d'Annecy.
L'attaque s'est produite jeudi matin sur les rives du lac d'Annecy. - Olivier Chassignole / AFP
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Un réfugié syrien armé d’un couteau a blessé jeudi matin six personnes, dont quatre enfants âgés de 22 à 36 mois, semant la terreur dans un parc au bord du lac d’Annecy. A ce stade, ses motivations semblent « sans mobile terroriste apparent », selon le parquet.
  • Les nouvelles concernant l’état de santé des quatre enfants blessés « sont positives », s’est félicité le chef de l’Etat, qui s’est rendu sur place avec son épouse ce vendredi.
  • Dans le passé, des attaques visant des enfants ont déjà eu lieu en France. C’est parce qu’il existe « une sorte de déloyauté dans le combat, dans la situation d’affrontement », que ce type d’attaque choque particulièrement, nous explique Mickaël Morlet-Rivelli, expert judiciaire en psychologie près la cour d’appel de Reims. Il note aussi que « les gens sont tous, plus ou moins, en capacité de se projeter dans un rôle de parents ».

Ils s’appellent Elio, Alba, Ettie et Peter. Agés de 22 à 36 mois, ces quatre enfants ont été grièvement blessés par l’homme armé d’un couteau qui a fait irruption, jeudi matin, dans une aire de jeux située à deux pas du lac d’Annecy. Les petites victimes, qui se trouvaient « en état d’urgence absolue » après l’attaque, ont été transférées dans des hôpitaux de la région, à Grenoble et à Genève, en Suisse.

Les nouvelles concernant leur état de santé « sont positives », a annoncé ce vendredi Emmanuel Macron, lors d’une visite à la préfecture d’Annecy. « Tout ce qui m’a été dit va dans le bon sens », a fait savoir le chef de l’Etat. « S’attaquer à des enfants est l’acte le plus barbare qui soit, et je crois que c’est ce qui nous a tous bouleversés », a-t-il souligné.



Au lendemain de l’attaque, dont quatre des six victimes sont donc des enfants, l’émotion est en effet très grande dans le pays. « Ce qui provoque une telle réaction émotionnelle dans le public, c’est que les enfants sont vulnérables », confirme à 20 Minutes Mickaël Morlet-Rivelli, expert judiciaire en psychologie près la cour d’appel de Reims et doctorant en psychologie à l’université de Clermont Auvergne et au centre international de criminologie comparée de Montréal.

Et l’expert d’aller plus loin dans ses explications. « Pour des raisons physiologiques et psychologiques, les enfants sont plus fragiles que les autres. Ils sont moins capables de se défendre. Ils n’ont pas un cerveau assez mature pour anticiper un danger ou des stratégies comportementales pour fuir ou faire face à ce danger. »

« Si c’était arrivé à mon enfant, je ne m’en remettrais pas »

C’est donc, dit-il, parce qu’il existe « une sorte de déloyauté dans le combat, dans la situation d’affrontement », que l’attaque a particulièrement choqué les Français. Mickaël Morlet-Rivelli note également que « les gens sont tous, plus ou moins, en capacité de se projeter dans un rôle de parents ». « On se dit : "c’est horrible car si c’était arrivé à mon enfant, je ne m’en remettrais pas" », détaille l’expert. Il explique que « les gens normaux sont éminemment empathiques ». « Cette empathie permet de nous projeter en tant que sujet qui n’a pas vécu ça. Autrement dit, c’est soulageant car on se dit : "si c’est arrivé à l’autre, ça veut dire que ce n’est pas arrivé à moi". » Enfin, « tout le monde connaît Annecy. Il est plus facile pour les gens de se projeter dans un lieu qu’ils connaissent, de nom ou parce qu’ils y sont allés. »

Aussi horrible soit-elle, cette attaque, dont la cible était vraisemblablement des enfants, n’est pas inédite en France. La dernière remonte à mars 2012. Le terroriste Mohammed Merah, surnommé « le tueur au scooter », avait tué sept personnes, dont trois enfants juifs âgés de 3 à 7 ans. Quelques années auparavant, en mai 1993, Érick Schmitt, un entrepreneur chômeur et dépressif, avait retenu en otage, durant deux jours, une classe de maternelle à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Il était alors armé d’un pistolet d’alarme et d’une ceinture d’explosif. L’homme, qui se fait appeler « Human Bomb », avait finalement été abattu par les policiers du Raid. Trois ans plus tard, il avait été imité à Marseille par Nouredine Lounis. Ce dernier était entré dans une école maternelle avec un fusil à pompe et avait ouvert le feu à trois reprises. Il avait pris en otage durant deux heures un professeur, une cantinière et une passante. Avant d’être neutralisé par les policiers.

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