InnovationSon fils devenu handicapé, il conçoit une maison où tout est accessible

Alsace : Son fils devenu handicapé, un père conçoit une maison où tout est accessible

InnovationUn plateau tournant avec, dessus, la cuisine, les toilettes et la salle de bains… Un entrepreneur alsacien a développé une maison où tout est facile d’accès pour son fils tétraplégique. Il espère maintenant la commercialiser
Alsace : Son fils devenu handicapé, un père conçoit une maison où tout est accessible.
Thibaut Gagnepain

Thibaut Gagnepain

L'essentiel

  • Une maison avec un plateau tournant comprenant trois pièces interchangeables selon les besoins… C’est l’invention d’un entrepreneur alsacien pour son fils devenu « tétraplégique incomplet ».
  • « Il suffit d’appuyer sur un bouton, et on a même prévu une commande vocale pour ceux qui ne pourraient pas cliquer », explique Adam Bruner, ravi de ce dispositif.
  • Le père d’Adam et lui-même aimeraient désormais voir ce système se diffuser à plus grande échelle pour « casser les codes du handicap ». Après avoir fait breveter leur « système rotatif OTO », ils en ont fait une maison témoin et prévoient une montée en puissance de la production.

D’extérieur, difficile de la distinguer des autres constructions avoisinantes de Dinsheim-sur-Bruche (Bas-Rhin). La maison est certes de plain-pied, mais rien n’indique qu’elle a été conçue afin d’accueillir une personne à mobilité réduite (PMR).

Peut-être la largeur inhabituellement grande du carport ? Même pas. C’est à l’intérieur du logement qu’il faut aller pour comprendre. Face à la baie vitrée trône un drôle de module en forme de cylindre. Avec trois pièces dessus : une cuisine, une salle de bains et des toilettes. Sans oublier ses placards. Particularité ultime de la fameuse innovation ? Elle tourne ! En quelques secondes, une petite trentaine maximum, chaque endroit devient facilement accessible. Le tout dans un silence quasi parfait !

Adam Bruner devant la maison témoin située à Dinsheim-sur-Bruche (Bas-Rhin).
Adam Bruner devant la maison témoin située à Dinsheim-sur-Bruche (Bas-Rhin). - T. Gagnepain

« Il suffit d’appuyer sur un bouton, et on a même prévu une commande vocale pour ceux qui ne pourraient pas cliquer », explique Adam Bruner, qui s’est retrouvé malgré lui à l’origine de ce projet imaginé par son père. Le jeune homme, aujourd’hui âgé de 24 ans, a été victime d’un accident le 15 septembre 2019. « J’ai plongé dans une piscine et j’ai tapé la tête au fond. Mes cervicales et ma moelle épinière ont été touchées. »

Depuis, il est « tétraplégique incomplet » et ne peut pas bouger de nombreux membres. Comme le bas de son corps ou ses doigts. « J’ai eu plus de trois mois de réanimation et trois mois de soins intensifs, avant de passer un an dans un centre de rééducation », se rappelle Adam Burner, aussi passé par un logement PMR à la fin de son long parcours. Là aussi, un mauvais souvenir…

« Redonner le maximum de liberté à mon fils »

« J’ai dû prendre trois douches en trois mois car rien n’était facile. Le lève-personne ne rentrait même pas dedans ! Pour aller sur la terrasse, il y avait une marche de 15 centimètres… Oui, c’était aux normes PMR, mais ce n’était pas adapté aux personnes à mobilité réduite. » Heureusement pour lui, tout cela n’a pas duré très longtemps.

En mai 2021, le jeune homme rentrait dans la maison familiale de Boerch (Bas-Rhin) et découvrait un logement totalement modifié. Avec ce fameux plateau à proximité de son lit. « Il fallait que je trouve une solution pour redonner le maximum de liberté à mon fils », résume aujourd’hui modestement Nicolas Brunner, marchand de biens de métier et qui a développé ce projet avec un ami garagiste, Roland.

« Il est arrivé avec une feuille, et on a réfléchi », sourit l’intéressé, sans cacher sa fierté devant le résultat. Et surtout devant l’enthousiasme retrouvé d’Adam. « Malgré mon handicap, je pense avoir retrouvé une vie quasi normale. Ce système a changé mon quotidien. Je peux faire mon linge tout seul, ma cuisine, c’est beaucoup plus simple pour les soins… », détaille-t-il en montrant les nombreuses options.

La salle de bains peut tourner et laisser apparaître les toilettes ou la cuisine.
La salle de bains peut tourner et laisser apparaître les toilettes ou la cuisine. - T. Gagnepain

Comme ce soulève-patient situé au-dessus du lit qui permet, grâce à un rail, d’être déposé dans la salle de bains sans effort. Comme ce plan de travail de la cuisine adaptable à n’importe quelle hauteur. Comme cette machine à laver accrochée au mur, à sa portée… Et bien sûr, comme ce plateau rotatif appelé « OTO, pour automatique », qui lui permet d’avoir « tout à deux mètres du lit ».

« Le dispositif est vraiment agréable pour lui et pour nous, car ça permet d’avoir des soins de manière fluide », témoigne Sarah Kherfi, infirmière à domicile qui s’est longtemps occupée de lui. « Chez d’autres personnes, il y a parfois des couloirs ou des pièces plus petites dans lesquelles ce n’est pas pratique… Là, Adam peut garder une certaine autonomie et il se sent inclus dans le soin. Il est passé par des moments difficiles mais maintenant, il est dans une vraie dynamique. »

Dans cette maison conçu par son père, tout est à proximité.
Dans cette maison conçu par son père, tout est à proximité. - T. Gagnepain

« On veut aider les autres »

Le jeune homme et son père aimeraient maintenant que le « système rotatif OTO », qu’ils ont fait breveter, puisse être reproduit ailleurs. C’est tout le sens de cette maison témoin, produite en atelier par le constructeur Booa, spécialisé dans les ossatures bois. « On veut aider les autres », insiste Nicolas Burner sans vouloir donner de prix. « Peut-être dans un mois, mais ça dépend tellement des besoins de chacun. Il y a des options par rapport au handicap. Nous, on veut proposer le tarif le plus juste. »

Des organismes spécialisés dans les certifications PMR sont déjà passés, et d’autres visites sont attendues. « Il y aura aussi des tests cliniques avec des patients » , précise Adam, convaincu du prochain succès du produit. « On est même sûrs que ça va fonctionner. La première année, on est capable d’en sortir deux à trois modèles par mois, mais plus tard, ça peut-être un par jour », poursuit son père. « On casse les codes du handicap. On ne peut pas le réparer, mais on peut aider à vivre avec grâce à la technologie. »

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